En entreprise, les émotions sont plutôt persona non grata. Souvent jugées gênantes, inappropriées voire déplacées, on en viendrait presque à vous demander de déposer votre cerveau limbique au vestiaire en arrivant.

Certains patrons voient même le fait de ne pas exprimer leurs émotions comme la marque d’un très grand professionnalisme, voire d’une force pour bien gérer leur entreprise.

Peut-être êtes-vous de ceux qui sont gênés par l’expression des émotions et ne savent pas comment réagir. Si c’est le cas, vous n’avez pas à vous sentir honteux car la majorité des personnes sont dans ce cas. Et ça se comprend parfaitement : combien d’heures de cours ont été consacrées à ce sujet pendant toute votre formation, qu’elle soit initiale ou au long de votre carrière ? Pour la majorité, c’est zéro.

Or à moins d’être psychopathe, nous ressentons tous des émotions, tout au long de la journée. Telles des sentinelles, elles se manifestent pour nous alerter, tant dans la joie que dans la colère, sur notre environnement.

Avant d’aller plus loin, je tiens à le dire : il n’y a pas d’émotions négatives (ni d’émotions positives d’ailleurs !!) Les émotions sont tout simplement utiles, point. Ceci étant, elles peuvent être perçues comme désagréables ou au contraire très plaisantes.

La bonne nouvelle malgré ce qui s’apparente à de l’analphabétisme émotionnel, c’est qu’il n’est pas trop tard pour rattraper le temps perdu et enfin vivre sereinement ses émotions, surtout au travail.

Refouler les émotions, c’est reculer pour mieux boiter !

Imaginez… Vous vous cognez violemment le petit orteil dans une porte. Le truc qui fait horriblement mal. Et comme si de rien n’était, vous continuez votre chemin, sans vous soucier de la douleur. La journée continue tranquillement son cours. Vous évitez de courir dans les couloirs, mais ne changez rien à votre programme.

Au bout de quelques heures tout de même, votre orteil est bleu/noir et a triplé de volume, vous vous résignez à aller voir le médecin. Médecin qui vous annonce que l’orteil est cassé, et que, comme vous avez marché avec cette blessure, une simple attelle ne suffira pas. Il va falloir opérer pour réduire la fracture, et envisager 3 semaines d’immobilisation.

Cette attitude vous parait absurde ? Pourtant, nombre de personnes se comportent exactement de cette manière lorsqu’il s’agit de leurs émotions, et encore plus au travail.

Refouler une émotion, c’est comme ignorer une douleur physique. Ça ne la fera pas passer comme par magie, bien au contraire. Cela va la renforcer, jusqu’à ce qu’elle s’exprime, tôt ou tard, souvent accompagnée de ses 2 acolytes : pertes et fracas.

Pourquoi ? Tout simplement parce que les émotions sont à notre météo interne ce que la douleur est à notre corps. Elles sont des guides, nous transmettent des messages qui nous parlent de nos besoins. Chaque émotion perçue comme désagréable nous dit qu’il y a quelque chose qui demande notre attention, que nous avons un besoin non satisfait.

En ignorant le message, l’émotion revient de plus en plus forte, comme la douleur pour l’orteil. Si vous continuez à ne rien faire, votre corps va prendre le relais : maux de tête, mal au dos, problème de sommeil, indigestion et bien plus. Comme je le dis souvent lors de mes conférences-ateliers sur les émotions au travail « Ce qui ne s’exprime pas s’imprime »…

Donc concrètement, on fait quoi, et comment ?

5 étapes pour bien vivre ses émotions au travail

Les quatre premières étapes doivent être menées sur le moment. La cinquième, qui demande un peu de temps et de réflexion, doit se faire au calme, une fois l’émotion passée. Car oui, les émotions sont éphémères et ne durent pas plus de quelques secondes (ensuite, c’est notre mental qui mouline…)

Etape #1 : Accueillir

Lorsque vous vous sentez gagné par une émotion, observez et laissez venir, sans chercher à modifier ni intervenir sur ce ressenti. Observez votre corps : battements de cœur, respiration, tremblements, larmes, sueurs froides. Ne cherchez pas à mettre de couvercle sur ces émotions, elles sont là pour vous dire quelque chose, n’oubliez pas.

Lorsque vous sentez la chaleur envahir votre poitrine, votre cœur battre fort et lentement, il y a de fortes chances que la joie soit en train de se manifester en vous. A l’inverse, si votre cœur s’accélère, vos mains deviennent froides, votre bouche devient sèche et vous sentez le sang affluer dans vos jambes… Cela signifie que c’est la peur qui vous gagne, et vous enjoint à fuir rapidement ce qui vous menace.

Etape #2: Identifier

A présent, vous allez identifier vos émotions : est-ce de la colère, du dégoût, un savant mélange de tout cela ? Essayez d’être le plus précis possible, sans oublier que comme les trains, une émotion peut en cacher une autre.

Certaines émotions sont le fruit de plusieurs émotions dites « primaires ». Par exemple, la jalousie est un mélange de colère, de tristesse et de frustration; le mépris, lui, est un mélange de dégoût et de colère.

Etape #3 : Mesurer

La 3e étape consiste à mesurer l’intensité de l’émotion : sur une échelle de 0 à 10, suis-je à 3, 7 ou 10 ? Est-elle forte ou plutôt superficielle ? Grosse tornade en perspective ou petite brise marine?

Etape #4 : Respirer

Il s’agit ici de respirer profondément en étant bien droit. Cette simple respiration, ce temps, va vous apaiser. Arrêtez de « mouliner » et construire mille scénarii plus fantasques les uns que les autres. Respirez seulement.

Cette action est indispensable car elle a pour fonction de désactiver le cerveau reptilien et d’activer le cortex pré-frontal qui va vous aider à moduler votre réaction émotionnelle en fonction de l’intensité de votre émotion et du contexte dans lequel vous vous trouvez.

Etape #5 : Satisfaire ses besoins

Une fois l’émotion clairement identifiée, vient l’étape de décodage.

Voici deux exemples concrets :

Dans trois jours, vous devez faire une présentation devant le comité de direction de votre entreprise. Faute de temps, vous n’avez encore rien préparé. Plus les heures avancent, plus vous stressez : votre peur vous informe de votre besoin de préparer cette réunion, qui se fait de plus en plus pressant.

La colère, elle, se fait entendre lorsque les besoins de reconnaissance, de justice ou de considération ne sont pas respectés. Vous avez travaillé d’arrache-pied sur une présentation pour aider votre manager, et il ne vous remercie pas.

Pour chaque besoin non satisfait, il vous faudra trouver une stratégie afin d’y répondre de manière efficace. Attention ici à bien veiller à un point essentiel : cette réparation est de votre responsabilité, et de personne d’autre. Vous pouvez demander à la personne qui, par son attitude, a généré cette émotion, de vous aider, mais rien ne l’y oblige. En agissant de manière autonome, vous gagnerez en confiance et en estime de vous-même, car vous aurez été capable de vous « réparer » tout(e) seul(e).

 

En tant que manager, on fait quoi ?

En tant que responsable d’une équipe, vos émotions et celles de vos collaborateurs sont tout simplement des messages à traiter, au même titre que les demandes verbales ou écrites.

Dans un souci de bienveillance et d’écologie personnelle, occupez-vous d’abord de vos propres émotions. On ne peut écouter les murmures dans une boîte de nuit.

Une fois le calme émotionnel atteint pour vous, vous pourrez alors aider vos collaborateurs à écouter leurs émotions, et surtout effectuer des demandes concrètes pour satisfaire leurs besoins, plutôt que de sentir un vague malaise pendant les réunions d’équipe, sans savoir d’où il provient.

Enfin, si vous identifiez chez vos collaborateurs ce qui leur donne de la joie au travail et que par la suite vous leur confiez en priorité ces tâches-là, votre entreprise aura des collaborateurs motivés, très efficaces … et épanouis.

 

En conclusion

Bien vivre ses émotions au travail est tout à fait possible, et même souhaitable, que dis-je, indispensable! Adapter votre communication vous permettra ensuite de mieux travailler avec votre équipe, y compris dans les moments où vous devrez prendre des décisions difficiles ou impopulaires.