La France a toujours eu un métro de retard sur la question du télétravail. Mais cette année, pas le choix, elle a dû s’y mettre, comme tout le monde. A marche forcée, en désordre et sans préparation. Et les managers dans tout ça ? Déjà qu’en temps normal, ils sont entre le marteau et l’enclume… Là ça devient carrément sportif, pour ne pas dire épique!

Jusqu’en cette année de grâce du télétravail qu’est 2020, la vie de 97 % des salariés, c’était une réelle séparation des sphères de vie privée et professionnelle. Le privé s’effaçait pendant les heures de travail, et reprenait sa place une fois la porte du foyer franchie. Ok, le blurring gagnait du terrain, et on parlait des enfants, des vacances, des petits tracas du quotidien pendant nos pauses café ou déjeuner, il nous arrivait de répondre à des mails tard le soir, mais globalement, ces 2 pans de nos vies ne fusionnaient pas.

Aujourd’hui, c’est tout le contraire qui se produit, de manière assez brutale, sans réel choix. Le télétravail forcé. Ou corona travail comme disent certains. Du coup, plus de frontière, ni de sas de décompression pour passer d’un monde à l’autre, même si c’est coincé dans le métro ou le RER. Tout se superpose : les tâches ménagères, les visio-conférences, les devoirs de enfants, les clients mécontents, certains collaborateurs à distance et d’autres nécessairement sur site, le conjoint qui rentre des courses…

Pour faire face à toutes ces contraintes, il est indispensable d’être bienveillant et empathique. L’Humain redevient enfin la clé et le cœur de l’entreprise. La confiance peut alors s’installer dans les deux sens.

Managers confrontés à cette situation inédite, voici quelques clés pour devenir (ou rester !) bienveillant en télétravail

 

#1 – Adaptez votre communication

En premier lieu, vous devez à tout prix être transparent. Je fuis habituellement les injonctions dans mes articles, mais je fais exception cette fois. Plus vous engagerez vos équipes dans vos prises de décisions et plus elles se sentiront impliquées et valorisées. Par le partage de l’actualité de l’entreprise, vous cultivez des valeurs communes. Vos équipes se sentiront ainsi unies, fédérées malgré la distance.

Prenez le temps de discuter avec chacun de vos collaborateurs (par ex, un créneau récurrent de 30 min, privilégié entre vous deux, où le collaborateur se sent écouté et peut vous dire comment il se sent). Il est très important pour un collaborateur de savoir que  son manager lui a réservé un créneau dédié pour s’exprimer librement.

 Donnez du feedback. Et demandez-en. Les relations professionnelles se soignent autant que les relations amicales ou sentimentales. Le feedback positif peut être fait publiquement. Le feedback d’amélioration doit être obligatoirement fait en privé (j’avais écrit un article sur ce sujet).

Essayez d’adapter votre communication en fonction de la personnalité et des besoins de communication de vos collaborateurs. Certains ont besoin de soutien plus que d’autres, certains préfèrent de brefs appels téléphoniques et d’autres des mails structurés. En faisant cet effort d’adaptation, vous permettrez à vos collaborateurs de se sentir reconnus, et vous pourrez « jongler » entre les différents canaux de communication pour planifier votre journée plus sereinement.

 

#2 – Assurez-vous de l’environnement de télétravail de vos collaborateurs

Le confort d’installation

Vous allez me dire, je ne suis pas conseiller à Ikea. Fort possible. Mais demander à ses collaborateurs quel est leur environnement de travail est très important, pour eux, mais aussi pour vous.

Vous pourrez difficilement demander, et a fortiori obtenir,  le même niveau d’implication et de performance à un collaborateur qui vit en couple dans un studio de 20 m2 qu’à celui disposant d’un bureau dans lequel il peut s’isoler pour travailler.

De même, au-delà de l’ordinateur fourni par l’entreprise, il est judicieux de savoir si votre collaborateur dispose d’une chaise confortable et d’un bureau. Celui qui travaille uniquement depuis son lit (car le conjoint a investi la pièce de vie, par exemple) sera moins enclin à accepter les réunions en visio.

Les personnes vivant sous le même toit

Ça compte aussi, et tout autant que le confort d’installation. Avoir son bureau dédié est idéal, mais si vous avez 3 enfants dont le dernier ne fait pas ses nuits, ce n’est pas la même histoire que si vous avez 2 ados et 1 étudiant en prépa, le tout en garde alternée.

Prendre en compte cet élément vous aidera à déterminer, en accord avec votre collaborateur, la charge de travail possible en cette période, et si celle-ci doit être allégée, comment la répartir autrement.

Les collaborateurs isolés

Enfin, si l’un de vos collaborateurs vit complètement seul, il vous appartient de savoir si ce lien social lui manque et à quel degré, afin de l’accompagner au mieux. Si c’est une personne qui sort habituellement beaucoup, peut-être aura-t-il plaisir à faire des visio-conférences pour voir des visages. Au contraire, certaines âmes solitaires sont ravies d’être momentanément libérées des conventions sociales qui leur pèsent parfois.

 

#3 – Passez du contrôle à la maîtrise

En tant que manager bienveillant, votre deuxième « obligation », après la transparence, c’est la confiance. Eh oui, la confiance.

Je le dis très souvent, un manager qui n’a pas confiance en ses équipes est avant tout un manager qui n’a pas confiance en lui-même et en ses capacités pour manager. Vous arrivez bien à travailler, à vous adapter, avec plus ou moins de réussite et de confort à ce nouveau mode de travail. En quoi serait-ce si différent ou impossible pour votre équipe ? Vous êtes tous dans le même bateau et logés à la même enseigne.

Pour faire confiance, le meilleur moyen est d’éviter les préjugés, qui résultent d’un mélange de peur (interne : cela nous appartient) et d’ignorance (externe : qui est vraiment l’Autre ?)

Pour faire confiance, il faut accepter de lâcher prise. Or le réflexe face à un truc qui semble nous échapper, est de vouloir renforcer notre contrôle sur cette chose. C’est contre-productif.

Pour instaurer cette confiance mutuelle au sein de votre équipe, il est indispensable de passer de l’état de contrôle à l’état de maîtrise.

 

#4 – Adaptez votre activité et celle de votre équipe

En tant que manager bienveillant, l’un de vos objectifs est de veiller à l’équilibre de vie de vos collaborateurs. Vous devez vous assurer que vos équipes ne travaillent pas trop tard, ni le week-end. Evidemment, cela ne vous empêche pas d’être flexible, et c’est même incontournable. Si le travail est fait, bien fait et dans les délais impartis, quelle importance si votre collaborateur décale sa pause ou fait ses courses à 14h pour éviter la foule ?

A vous de placer un curseur juste au regard de l’activité, et des besoins et attentes de chacun.

Plusieurs fois par jour, la pause s’impose, y compris pour vous. Dans ce télétravail forcé, il y a fort à parier que vos méninges bouillonnent, et s’octroyer des pauses permet de s’aérer, les poumons mais aussi la tête ! N’hésitez pas à informer vos collaborateurs de ces pauses. Cela vous permettra de ne pas être dérangé, et qui sait, peut-être de les inciter à faire de même. (oui, le management par l’exemplarité fonctionne encore à distance !)

Afin de compenser la distance et maintenir la qualité des échanges, vous pouvez mettre en place un outil de communication collaborative (slack, discord, teams, vous avez l’embarras du choix !) Je vous conseille de consulter vos équipes pour savoir lequel recueille le plus de suffrages. Le but est que ça serve, donc prenez en un, qui convient à la majorité, et qui sera réellement utile et utilisé.

Vous pouvez également créer des « équipes de choc », binômes ou trinômes,  pour faire aboutir vos projets en faisant collaborer les talents de vos équipes (talents que vous aurez préalablement identifiés et qui seront ravis de fructifier, cela va de soi).

 

#5 – Recréez du lien, autrement

L’homme est un animal social et a besoin du contact avec ses semblables pour s’épanouir, y compris au travail. En ces temps de reconfinement et de télétravail, les temps d’échange informels qui agrémentaient la vie de bureau sont réduits à peau de chagrin. Grâce à un peu d’imagination et un soupçon de technologie utilisée à bon escient, on peut facilement recréer du lien.

Vous pouvez, par exemple, créer un rituel, sous quelque forme que ce soit, uniquement pour les salutations. Bien sûr, l’idée n’est pas de fliquer vos équipes, mais simplement de les saluer quand vous vous mettez au travail, exactement comme vous le feriez en disant bonjour en arrivant au bureau. (Et si vous ne le faisiez pas avant, vous pouvez essayer, vos collaborateurs ne vous mordront pas !) Vous pouvez même organiser des pauses café informelles en visio, ça changera des réunions !

En ces temps d’éloignement physique, le sentiment d’appartenance peut s’étioler, et parallèlement, le besoin de reconnaissance croître. Pour remédier à ces décalages et garder la motivation de vos collaborateurs intacte, vous pouvez mettre un point d’honneur à valoriser leurs points forts. Prenez le temps de les connaître et de les reconnaître et de leur dire que vous appréciez leur travail avec sincérité.

Enfin, prenez le « pouls » ou plutôt le « mood » de votre équipe régulièrement. Tout simplement et de manière informelle, demandez-leur d’évaluer leur humeur sur une échelle de 1 à 10. Vous pouvez également le faire grâce à des applications comme Supermood ou Zest, qui permettent de faire des sondages rapides sur les attentes et ressentis des salariés.

Evidemment, si le score n’est pas satisfaisant ou en dessous de la moyenne, c’est qu’un changement est nécessaire.

 

#6 – Adoptez une bonne fois pour toutes les 2 règles d’or du management bienveillant

Ces règles étaient valables avant cette (r)évolution du travail, et ne s’appliquent d’ailleurs pas que dans ce pan de la vie. Ce sont deux règles qui doivent servir de guide, de ligne rouge à ne pas franchir :

Règle n°1 – Ne faites pas aux autres ce que vous n’aimez pas qu’on vous fasse. Meme si leur sensibilité est différente de la vôtre et que vos attentions peuvent passer pour anodines. Au pire ils ne le verront pas, au mieux ils en seront très heureux. Mais au moins, vous ne vous ferez pas de mal à vous en vous trahissant.

Règle n°2 – Ne faites pas à votre équipe ce que vous n’aimez pas que vous manager vous fasse. Votre rôle de manager est aussi de faire le tampon entre la Direction et vos équipes, comme un airbag qui absorbe le choc. Je sais que c’est une image forte, mais assez réaliste.

 

Conclusion

Le télétravail, mais surtout la distance et la perte de repères qu’il génère, peut être source de tensions, perte de sens, difficultés diverses. Le seul remède ? La communication. La tolérance. L’écoute active. Le respect.

Et c’est valable aussi en présentiel. Toutes les bonnes habitudes prises aujourd’hui se retrouveront donc décuplées quand le présentiel reviendra, quelle que soit la proportion.