« J’adore qu’un plan se déroule sans accroc » ça vous parle ? Petit indice… Série américaine des années 80… L’Agence Tous Risques. Oui, cette cellule non officielle de la CIA qui sauvait la planète de vilains trafiquants à chaque épisode, et échafaudait des plans incroyables, toujours couronnés de succès.

Malheureusement (ou pas !!), le monde de l’entreprise n’est pas celui de l’Agence Tous Risques, et les plans qui se déroulent comme du papier à musique tiennent plus de la légende urbaine que de la réalité du terrain. Nous sommes souvent confrontés à des comportements ou des résultats qui ne correspondent ni aux attentes, ni objectifs, et encore moins à nos valeurs professionnelles.

Etre bienveillant, ça ne signifie pas tout accepter, tout tolérer, sous prétexte que l’on veut le bien de l’autre. Comme je le dis en préambule de toutes mes interventions, la première bienveillance est celle qu’on s’applique à soi-même, et cela passe parfois par une mise au point avec un collaborateur.

Dans ce cas, comment exprimer une critique qui soit constructive, c’est-à-dire non blessante et qui permette non seulement d’avancer, mais surtout de ne plus reproduire ce qui n’a pas fonctionné ?

Petite recette de la critique constructive en 8 étapes

 

#1 – Préparation

Avant de faire des reproches, il convient de vous préparer. Préparer vos mots certes, mais surtout vos émotions ! Comprendre pourquoi telle ou telle attitude vous agace à ce point. Est-ce purement d’un point de vue pratique et organisationnel ? Est-ce parce que vous avez l’impression que votre autorité de manager est bafouée ? Avez-vous le sentiment que l’on ne vous écoute pas, ou pire, que l’on agit dans votre dos ? Voudriez-vous plus de visibilité sur l’activité de votre collaborateur ? Et pourquoi ce manque de visibilité vous agace ?

Il y a sûrement un ou deux valeurs fortes qui sont en jeu. Identifiez-les avant toute chose.

 

#2 – Confidentialité

Il est indispensable d’adresser des reproches à un collaborateur en privé, et jamais en public. Ce qui vous a heurté ne concerne que vous et la personne qui en est à l’origine. « On ne lave pas son linge sale en public » dirait ma grand-mère.

En procédant ainsi, la personne incriminée ne perd pas la face, et son ego est préservé. Elle sera certainement sensible à cette attention délicate de votre part, et plus encline à réellement vous écouter.

 

#3 – Sujet unique

Un collaborateur cumule les bourdes depuis 1 mois, tant avec vous, le reste de l’équipe, et les partenaires de l’entreprise. Choisissez votre cheval de bataille. L’objectif est une critique constructive, pas un inventaire à la Prévert. Rien ne vous empêche de dire que vous percevez un malaise global et inviter au dialogue sur les soucis que rencontre votre collaborateur, mais en tant que manager, vous devez focaliser sur le point qui vous semble le plus problématique.

 

#4 – Clarté

Afin d’être entendu et compris, vous devez énoncer votre critique de manière claire, ferme et courtoise. Enlevez tout le pathos. Parlez des faits, uniquement des faits. Plus vous serez factuel, moins le malentendu sera possible.

Exemple concret :

Option 1 : « c’est le bordel sur ton bureau, vraiment pas pratique pour bosser avec toi. » Ce reproche a toutes les chances d’être pris comme une attaque personnelle et n’explique rien de vos tourments. On y voit au mieux un jugement, au pire une crise d’autoritarisme aigu. Votre interlocuteur ne changera rien et vous passerez pour un maniaque obsédé par Marie Kondo.

Option 2 : « J’ai besoin d’avoir accès au dossier que nous traitons conjointement, pourrais-tu le mettre toujours à la même place, afin que je puisse le récupérer facilement quand tu n’es pas là ? » Vous avez toujours l’impression que le bureau de votre collaborateur est un bazar sans nom, mais ainsi formulée, cette critique (qui se transforme en souhait grâce à la magie de la Communication Non Violente) a davantage de chances d’être accueillie comme une demande raisonnable, logique, juste et justifiée. Et donc, acceptée.

 

#5 – Calme

Vous n’avez pas supporté que votre collaborateur vous interrompe à plusieurs reprises pendant la réunion d’équipe, surtout pour vous corriger sur certains éléments d’un dossier, et cela vous a mis en colère.

Attendez que le calme soit revenu pour exprimer votre ressenti auprès de cette personne. En parlant sous le joug de la colère, votre interlocuteur ne retiendra que votre agressivité et non le fond de votre message. Pour peu qu’il ne soit pas sensible à ce respect de la parole, il ne comprendra même pas pourquoi vous vous énervez pour ce qu’il considère comme une broutille, et pourrait même revoir son estime de vous.

 

#6 – Dialogue

La critique est facile, l’art est difficile. Ne préparez pas un monologue qui aura pour but de laminer votre interlocuteur. Instaurez dès les premiers instants un dialogue, ou du moins la possibilité de ce dialogue.

Vous devez laisser votre interlocuteur exposer son point de vue et le reconnaître comme tel. (Ne pas le voir comme une attaque personnelle)

 

#7 – Droit de réponse

Adresser un reproche ne signifie pas vouloir « gagner la bataille » à tout prix. Vous devez laisser le temps de la réflexion, et surtout accorder un droit de réponse. Quel qu’ait été le comportement reproché, votre interlocuteur a sûrement estimé que c’était nécessaire, ou n’a pas perçu son attitude comme néfaste. Après tout, on fait tous des erreurs.

N’oubliez pas que vous avez préparé cet entretien bien avant de le convoquer. A son tour, il peut avoir besoin de temps pour préparer sa réponse et éventuellement expliquer son comportement.

 

#8 – Solution

Afin que cette critique ne soit pas mal vécue par votre collaborateur, il est de bon ton de le remercier pour son temps et son écoute, et d’insister sur l’intérêt d’avoir pu échanger et discuter sereinement.

Ensuite, vous pouvez (et devez, même !) proposer des pistes pour trouver une solution, et l’inviter à faire de même. Une solution approuvée conjointement sera plus facilement appliquée, et renforcera votre collaboration.

 

Conclusion

On peut parfaitement être bienveillant et adresser des reproches à un collègue, car on ne peut effectivement pas tout tolérer sous prétexte que l’on a à cœur de prendre soin de ses collaborateurs. Ceci étant, mettre les formes pour servir un fond potentiellement conflictuel vous aidera à construire une sortie de crise en mode « gagnant-gagnant ».